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Le samedi 22 octobre 2011 s’est tenu, dans plus 60 de villes dans le monde, la 5éme « journée internationale de lutte contre la pathologisation des identités trans », de la campagne « Stop Trans Pathologisation 2012 »[1]. Cette campagne internationale, lancée en 2007 à l’initiative d’activiste, français et portugais, vise à faire retirer les « troubles de l’identité sexuelle »[2] des manuels internationaux de psychiatrie et plus particulièrement du DSM[3] et de la CIM[4] dont les nouvelles versions paraitront respectivement en 2013 et en 2015. Le moteur de cette campagne internationale est de permettre aux personnes trans de ne plus être, et ce, à aucun moment de leur transition, sous la tutelle d’un psychiatre. A l’heure actuelle, dans un grand nombre de pays dont la France, les personnes trans sont soumises à des évaluations psychiatriques à chaque étape de leur transition : prise d’hormones, chirurgie, changement d’état civil.

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En France, c’est principalement à travers la question des équipes hospitalières que se manifeste le plus explicitement ce contrôle psychiatrique de nos corps et de nos identités. Ces équipes pluri-disciplinaires associant psychiatres, endocrinologues et chirurgiens reprennent le modèle des équipes préconisées dès les années 50 par le Docteur Money. Aujourd’hui comme au milieu du XXe siècle, l’objectif est clair : créer des hommes et des femmes copyrighté-e-s. Dès lors, pour ces équipes hospitalières, un certain nombre de critères sont indispensables si l’on veut obtenir un diagnostic permettant une prise en charge : être hétérosexuel-le dans son genre choisi, être séronégatif, ne pas avoir d’enfant, ne pas s’être prostitué-e, désirer une opération de réassignation sexuelle, avoir la conviction intime et depuis l’enfance que l’on appartient « au sexe opposé », réussir des tests de personnalité selon lesquels les femmes s’épanouissent à la cuisine et les hommes en coupant du bois, etc. Ces équipes hospitalières reproduisent alors, en prenant appui sur le diagnostic psychiatrique, une matrice du genre digne d’une publicité sexiste américaine des années 50.

Au-delà de la question de ces équipes hospitalières, la pathologisation des transidentités fait de la case psychiatre une case difficile à contourner complètement, et ce même en « parcours libre ». A de rares exceptions près, un certificat psychiatrique est nécessaire pour quiconque souhaite commencer un traitement hormonal, effectuer une chirurgie ou changer ses papiers. Autrement dit, c’est un véritable pouvoir d’ingérence que les médecins psychiatres exercent sur nos corps et nos identités.
Alors que certain-e-s trouveront, par chance, le contact d’un psychiatre considérant les personnes trans comme les plus à même de définir ce qu’elles sont et désirent, d’autres verront leur parcours devenir beaucoup plus complexe. En équipe hospitalière comme dans le privé, certain-e-s attendent plus de deux ans avant d’obtenir la précieuse attestation leur permettant d’avoir accès à des hormones. D’autres encore voient cet accès tout simplement refusé car n’ayant pas suffisamment réussi à prouver leur conformité aux identités homme© ou femme©[5]. Plus
qu’un rapport entre usagers et médecins, c’est un véritable rapport de force qui existe entre les personnes trans et certains praticiens.

 

Cependant, alors que la mobilisation grandit, nous, personnes et activistes trans, voyons se multiplier, à l’internationale, les avancées en faveur d’une dépathologisation complète des transidentités. Fin septembre, la World Professional Association for Transgender Health (WPATH), a rendu public la 7éme révision de ses standards de soins[6], retirant la place centrale et omnisciente de la psychiatrie dans les parcours de transition. Ces nouveaux standards placent alors le respect des personnes en premier plan, et prend en compte une diversité d’identités alors mises à mal par la pratique psychiatrique. 
Fin septembre encore, le Parlement Européen a envoyé un signal fort en demandant à l’Organisation Mondiale de la Santé – éditrice de la CIM – de dépathologiser les dits « troubles de l’identité de genre ». C’est à travers l’adoption d’une résolution que le Parlement Européen a demandé à l’OMS de sortir définitivement les identités trans de la liste des troubles mentaux et du comportement de la CIM pour pouvoir alors les reclassifier dans une catégorie non-pathologique.

Dans le même temps en France, l’heure est à l’inaction après l’annonce, en 2009 par Roselyne Bachelot alors ministre de la santé, d’une dépsychiatrisation des parcours trans. Dépsychiatrisation qui n’a de telle que le nom, puisqu’il ne s’agit en réalité que d’un changement de codification de l’Allocation Longue Durée accordée aux personnes trans. Dans les faits, la place de l’expertise psychiatrique dans les parcours trans n’est absolument pas remise en question. Loin de ce type de déclaration de principe, la France va devoir se positionner concrètement sur ce dossier.

 

La façon dont est prise en charge la question trans par la psychiatrie, et à travers elle, par l’État, est inacceptable.
Cette ingérence tour à tour des médecins et de l’État sur nos corps cherche à nous déposséder de tout pouvoir d’action sur celui-ci. Comme les militantes féministes, nous nous voyons forcé-e-s de rappeler que nos corps nous appartiennent. Ainsi, nous, activistes et personnes trans, sommes nombreux à avoir fait le choix de ne pas recourir aux équipes hospitalières françaises pour nos transitions, et appelons toutes personnes trans à ne plus/pas recourir à ces médecins, médecins actuellement regroupés au sein de la Sofect[7]. En effet, comme toutes
personnes usagères du système de santé nous avons le libre-choix de nos praticiens dans tous les domaines médicaux.

Par ailleurs, cette ingérence de la médecine, et plus particulièrement de la psychiatrie, rend paradoxalement l’accès aux soins et son suivi plus difficiles. En effet, la subordination des personnes trans à la psychiatrie et à la maltraitance de cette dernière entrainent nombres de personnes trans à une méfiance envers les praticiens de santé. De plus, le manque de formation et d’informations des praticiens de santé (gynécologues, urologues, généralistes, etc.) ne permettent que très rarement un suivi médical correct aussi bien au niveau des IST que d’autres pathologies lourdes (cancer de la prostate ou du col de l’utérus par exemple). À travers ces questions de santé sexuelle, c’est toute une réflexion de santé globale trans qu’il est indispensable d’amorcer. Le rapport des personnes trans aux praticiens de santé est un rapport délicat qu’il est nécessaire de travailler afin de favoriser l’accès à la prévention, aux dépistages et aux soins.  La facilitation des parcours s’inscrit alors pour nous dans une perspective globale permettant aussi bien le respect des libertés individuelles qu’un meilleur accès aux systèmes de soins.

 

Nous ne pouvons que constater qu’en refusant le libre choix de nos parcours et de nos identités, l’État perpétue une tradition de pensée selon laquelle nos corps ne nous appartiennent pas.

 

Outrans, le 30 octobre 2011

https://www.outrans.fr

 

 


[1]Voir  http://www.stp2012.info/old/fr

[2] On parle de « troubles de l’identité sexuelle » correspondant, selon les auteurs, à la « dysphorie de genre », au
« transsexualisme » ou bien à la « transsexualité ».

[3] Diagnostic and Statistical Manual publié et révisé par l’American Psychiatric Association.

[4] Classification Internationale des Maladies publlié et révisé par l’OMS.

[5] E. Dorlin, Homme/Femme©. « Des technologies de genre à la géopolitique des corps » in Critique, numéro 764-765,
Paris, Les Editions de Minuit, 2011, p.16-24.

[6] Voir http://www.wpath.org/documents/Standards%20of%20Care%20V7%20-%202011%20WPATH.pdf

[7] Voir http://www.transsexualisme.info/

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