La sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio souhaite déposer une proposition de loi visant à interdire les transitions médicales pour les personnes trans mineures. Afin de faire passer son texte, elle s’appuie sur son “rapport” sur ce qu’elle a décidé de nommer la “transidentification” des jeunes trans rédigé suite à un simulacre de commission de travail.
OUTrans avait alors été auditionné. En guise de commission, il n’y avait que 2 sénateurs en plus de la sénatrice du Val d’Oise, ainsi que, présentes à toutes les auditions, Céline Masson et Caroline Eliacheff, toutes deux à la tête de l’observatoire de la Petite Sirène, un groupuscule idéologique influencé par l’extrême droite comme l’a démontré en 2022 un article de Médiapart, ouvertement opposé à la transidentité. Ce groupe s’était battu en 2002 contre la loi qui a interdit les thérapies de conversions qui visent à modifier l’identité de genre.
Une commission fantoche
La “commission” LR était une mascarade dont le rapport final était rédigé d’avance par l’Observatoire de la Petite Sirène qui a mis sous son influence exclusive une élue de la République, au point de lui faire perdre tout discernement.
Les personnes auditionnées sont un annuaire des militant·es anti-trans à travers le monde auxquelles ont été ajoutées des équipes et associations accompagnantes (comme OUTrans) dont les propos ont été ignorés dans le rapport “final” pré-rédigé.
Les extraits publiés avec complaisance sur le site du Point ce lundi 18 mars rapportent par exemple des propos d’un chirurgien plastique de l’Hôpital Georges Pompidou laissant entendre qu’il n’y aurait pas de preuve de l’efficacité des transitions. Cette position est d’autant plus étonnante qu’elle vient d’un chirurgien qui ne prend pas en charge les personnes trans ! Un drôle d’expert qui va à l’encontre des études et recommandations médicales sérieuses qui toutes affirment que les traitements hormonaux pour les personnes qui le demandent améliorent la santé mentale des personnes trans, adultes et mineures (Académie américaine de pédiatrie – American Academy of Pediatrics, Société d’Endocrinologie, American Psychological Association (APA), WPATH…).
Une campagne idéologique
Ce rapport, et la proposition de loi à venir, ne sont que la retranscription française des campagnes transphobes qui traversent de nombreux pays. Les états américains les plus trumpistes ont déjà voté des lois interdisant les transitions chez les personnes mineures n’hésitant pas à déformer la science à des fins idéologiques.
La sénatrice Eustache-Briniot est très minoritaire au Sénat. En janvier 2022, elle faisait partie des rares sénateur·ices (28) à s’être alors opposé·es à la loi interdisant les thérapies de conversion. Le 4 mars au Congrès, elle était dans les très rares parlementaires à voter contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution.
Les personnes trans bâillonnées
La parole des personnes trans est négligée par la sénatrice qui écarte notre témoignage comme étant une simple position irréconciliable.
Toute association de personnes trans est qualifiée de “transactiviste”, toute personne trans revendiquant ses droits est “militante”. Dès lors, notre parole est démonétisée.
Elle préfère donner la parole à une “association” isolée, inconnue des personnes trans, sans aucune réalité légale, créée de toute pièce par l’observatoire de la Petite Sirène et qui prône la psychiatrisation des transidentités en dépit des avancées médicales et scientifiques.
Cela est cohérent avec la croisade de l’Observatoire de la Petite Sirène, de Ypomoni et des Juristes pour l’enfance, émanations de la Manif pour tous.
L’Observatoire de la Petite Sirène a cherché à faire fermer le site d’information petitesirene.org, cosigné par OUTrans, qui expose les études et réponses à la désinformation de l’observatoire. Après avoir été débouté dans ses demandes auprès de l’hébergeur, puis de l’OMPI pour le nom de domaine, l’observatoire essaie de museler les associations LGBTQIA+ et féministes en agitant une plainte ridicule pour diffamation.
Largement soutenu par la sénatrice, Juristes pour l’enfance a lancé une campagne pour publier la liste des expert·es qui travaillent à la rédaction pour la prise en charge des personnes trans à la Haute Autorité de Santé. Cela va à l’encontre de la pratique habituelle de la HAS qui souhaite garantir la sérénité des débats. L’action de Juristes pour l’enfance participe à une volonté de terroriser toute personne accompagnant positivement les personnes trans.
Prompts à se victimiser, les activistes anti-trans répandent pourtant leur logorrhée très largement dans les médias alors que les associations trans ne sont même pas entendues.
Une réalitée travestie
Les positions des associations trans sont systématiquement caricaturées. A les entendre, nous nous promenons dans les rues avec des seringues d’hormones et des bistouris pour mettre sous traitement et opérer tous les enfants que nous croisons.
La réalité est évidemment toute autre. En France, très peu d’enfants trans accèdent à des transitions médicales. OUTrans participe depuis 2017 aux réunions de concertation pluridisciplinaires de l’APHP et organise des groupes de parole pour enfants et ados trans.
Face au fantasmes des idéologues anti-genre, nous opposons la réalité de nos vies et des situations suivies par nos associations.
A aucun moment nous ne poussons des personnes à être trans ou à faire des transitions médicales. Au contraire, nous sommes trop attaché·es au principe d’autodétermination pour décréter qu’une personne est trans à sa place.
Nous regrettons aussi que, pendant des années, la norme sociale ait imposé aux personnes trans des actes médicaux qu’elles ne souhaitaient pas, telles les stérilisations imposées par les tribunaux jusqu’en 2016. Toutes les personnes trans qui le souhaitent doivent pouvoir, avec un consentement libre et éclairé, pouvoir accéder aux transitions médicales. Mais il faut que la société accepte aussi qu’il soit possible d’être une personne trans sans se voir imposer des hormones ou des opérations non souhaitées.
Les militantes anti-trans, par la bouche de la sénatrice, laissent entendre qu’il y aurait de nombreuses opérations sur les enfants trans alors qu’aucune opération génitale n’est faite sur des personnes trans mineures et que les très rares mastectomies sont faites généralement passé 18 ans, et jamais avant 16 ans. Les seules opérations faites sur les mineurs concernent les mutilations de normalisation que subissent encore les enfants avec des caractères d’intersexuation. C’est là un vrai scandale qui ne semble pas émouvoir la sénatrice.
Le fantasme des activistes anti-trans est aussi sur les transitions hormonales. A les entendre, chaque enfant évoquant un questionnement sur son genre serait immédiatement mis sous hormones. Ce n’est pas la réalité comme le démontre une étude sur les jeunes pris en charge dans les équipes de l’AH-HP depuis 2012 : seuls 44% sont sous traitement hormonal.
Une vision psychiatrique
Sous prétexte de “protéger les enfants”, Jacqueline Eustache-Brinio souhaite interdire toute transition et toute reconnaissance de l’identité de genre des enfants (allant à l’encontre du droit français qui reconnaît et protège l’identité de genre sans limite d’âge).
Et, avec l’observatoire de la Petite Sirène, elle dénonce un prétendu scandale sanitaire sur des détransitions qui exploseraient alors qu’aucune étude d’ampleur ne confirme ces dires.
Elle agite les pays qui auraient interdit les transitions chez les jeunes – ce qui est souvent une interprétation fausse – sans parler de tous ceux qui au contraire les accompagnent (ou en ne donnant la parole qu’aux opposants).
Des propositions ridicules
Le rapport souhaite interdire la reconnaissance du genre dans les établissements scolaires. Il considère que refuser le genre revendiqué d’un·e enfant serait une position neutre, alors que le reconnaître, y compris avec l’accord des parents, serait être transactiviste.
Elle va même jusqu’à souhaiter interdire les toilettes mixtes ! Pourquoi ? Seraient-elles la cause de la transidentité des enfants ? Dès lors, cette interdiction ira-t-elle jusqu’au domicile familial de peur d’une contagion du genre, imposant des toilettes séparées pour les hommes et les femmes dans toutes les maisons et appartements ?
Un entêtement criminel
La vision globale de la sénatrice reste enfermée dans une autre époque, celle où la transidentité était considérée comme un trouble mental, comme une déviance ou une perversion. Ce n’est plus le cas pour l’OMS depuis 2022 et la France avait déjà fait un pas vers la dépsychiatrisation dès 2010.
Cet entêtement idéologique pourrait être anecdotique s’il n’était pas criminel.
Le rapport réussi le tour de force de ne pas évoquer dans sa synthèse ou ses conclusions, en aucune façon, les taux de suicides pourtant particulièrement hauts dans les populations trans. Parmi les nombreuses études qui démontrent cette surexposition, citons par exemple celle de l’Associations des pédiatres américains, réalisée en 2017 auprès de 127 2000 jeunes de 14 à 17 ans et qui indique un taux de suicide (pasage à l’acte) de 34,6 % chez les personnes trans contre 5,5 % chez les garçons cis de l’enquête.
En France, le 20 novembre dernier, nous avons commémoré la mort de 18 personnes trans identifiées par les associations et mouvements trans, mortes dans les 12 derniers mois de la transphobie. 16 d’entre elles se sont suicidées. Toutes les études démontrent des taux de suicides entre 30% et 50% chez les personnes trans, et en particulier les mineures. Il y a un scandale sanitaire. Et il est bien réel. Il est celui des suicides des personnes trans, poussées à bout par une société qui rejette leur identité de genre.
Il y a urgence.
Pas à interdire les transitions médicales, mais au contraire à les faciliter pour les personnes qui en expriment le besoin.