Le 3 décembre 2020
Le 19 novembre 2020, la FPATH (French Professionnal Association for Transgender Health) a été créée, déclarant s’inscrire dans les standards internationaux de prise en charge des personnes trans (WPATH-EPATH). Dans sa déclaration d’intention, cette nouvelle structure semble enfin écouter ce que demandent les associations trans depuis des années (la dépathologisation des parcours et l’inclusion des personnes concernées), confirmant ainsi la justesse de nos positions.
La SoFECT, Société Française d’Études et de prise en Charge de la Transidentité, rassemblant des professionnels de santé prenant en charge des personnes trans, doit être dissoute, répondant là encore à une revendication des associations trans.
Mais nous, associations de personnes trans, savons qu’un changement de nom ne change pas celles et ceux qui le portent.
À l’occasion de ce baptême, le 19 novembre, veille du jour de commémoration des personnes victimes de transphobie, la SoFECT-FPATH essaie de faire croire que tout a changé, qu’un nouveau sigle effacera des années de maltraitance, de psychiatrisation systématique, d’examens gynécologiques intrusifs et inutiles, de pathologisation et d’infantilisation des personnes trans.
Les membres de la SoFECT ont, pendant des années, imposé des protocoles inhumains aux personnes trans, sélectionnées sur des critères sexistes, homophobes, grossophobes, putophobes, sérophobes, classistes et âgistes. Ils et elles ont été dénoncé·e·s à maintes reprises par les associations trans françaises et internationales, mais sont accueilli·e·s à bras ouverts à la nouvelle SoFECT-FPATH.
La volonté affichée de cette nouvelle structure de dépsychiatriser la transidentité nous apparaît par ailleurs en contradiction avec sa revendication de reprendre les standards de la WPATH, puisque cette dernière préconise encore le recours à un diagnostic de dysphorie de genre pour les hormonothérapies. Elle est aussi en contradiction avec la présence massive de psychiatres au bureau de la nouvelle association (3 postes sur 7).
Dans leur déclaration d’intention, les dirigeants de la SoFECT-FPATH disent vouloir intégrer les associations et les personnes concernées.
Mais que penser de ce souhait quand le conseil d’administration ne réserve que 3 places aux associations sur 34 ? Les associations trans n’ont pas été associées à la construction de la FPATH, alors qu’elles accompagnent chaque jour des personnes trans, premières concernées et premières actrices de leur propre santé, et font entendre leurs voix en défendant leurs intérêts.
La voix des associations serait ainsi moins forte que celles de quatre personnes trans – et de deux parents – qui ne représenteront que leurs parcours et situations particulières et dont les conditions d’indépendance vis-à-vis de la SoFECT-FPATH ne sont pas garanties. Surtout, que penser de cette opposition entre associations et personnes individuelles, sinon comme d’une volonté de diviser la parole des personnes trans ?
Cependant, dans un souci d’amélioration de la l’accompagnement des personnes trans, nous proposons d’ouvrir le dialogue et donnons le cadre dans lequel nous pourrions envisager une collaboration avec ces équipes.
- Nous exigeons que, si une association devait être constituée, la moitié des postes du conseil d’administration et du bureau soit réservée aux associations représentatives des personnes trans, car la parole des personnes concernées doit, enfin, et conformément aux recommandations de la HAS, être écoutée et mise au centre des pratiques médicales. Les associations trans doivent aussi pouvoir se désolidariser de tout projet ou déclaration signée par cette entité.
- Nous exigeons que l’objectif principal de toute collaboration soit la fin effective et immédiate de toute psychiatrisation, directe ou indirecte des parcours de transition, ainsi que leur dépathologisation intégrale tout en assurant le maintien de la prise en charge à 100% des parcours transidentitaire. Seule l’autodétermination des personnes trans peut fonder une transition médicale.
- Nous exigeons que tous les professionnels de santé rejoignant cette collaboration signent une charte de bonne conduite impliquant le respect de l’autodétermination et de l’auto-identification des personnes trans (prénoms, pronoms…), la reconnaissance de la diversité des parcours, le partage de la décision médicale, le respect du secret médical et la diffusion des connaissances sur le domaine pour développer la prise en charge des personnes trans en parcours libre. Les membres de cette entente doivent se donner les moyens d’assurer le respect de cette charte.
- Nous exigeons que la FPATH reconnaisse publiquement que les équipes de la SoFECT ont eu des pratiques inacceptables et qu’elle les dénonce et écarte les professionnels de santé qui les perpétuent.
- Nous exigeons que tout·e praticien·ne maltraitant·e soit immédiatement dénoncé·e et écarté·e.
- Nous demandons qu’un guide des bonnes pratiques soit rédigé avec les associations et diffusé largement aux professionnel·le·s de santé.
- Nous exigeons que toutes les décisions médicales concernant les personnes trans soient prises avec les personnes concernées. Les Réunions de Concertation Pluridisciplinaires, réunissant psychiatres, endocrinologues et chirurgiens évaluant l’éligibilité des demandes de prise en charge, doivent systématiquement être ouvertes aux personnes concernées et à leurs associations.
- Nous exigeons que tous les projets visant à construire l’offre de soins, et tous les projets de recherche médicale sur des personnes trans, soient au préalable discutés avec les associations représentatives de personnes trans, et le cas échéant construits en collaboration avec elles, dûment intégrées dans les comités de pilotage et financées pour leur travail de conseil.
- Nous exigeons la dénonciation de tous les protocoles de la SoFECT-FPATH qui se revendiquent comme “officiels” et imposent un parcours unique et linéaire, pathologisant et psychiatrisant, aux mains seules des professionnel·le·s de santé.
- Nous refusons que toute équipe de professionnel·le·s de santé, constituée dans le cadre hospitalier ou dans tout autre cadre, se déclare – ou laisse entendre qu’elles puissent être – “équipe officielle”.
- Nous exigeons la suppression de tout délai ou étape imposés dans les parcours de transition.
- Nous exigeons, de facto, le respect des droits en vigueur : libre choix du médecin, sanction des refus de soins…
Ces préalables, qui sont à prendre dans leur ensemble, nous semblent indispensables avant tout dialogue au vu du passé de la SoFECT-FPATH.
Nous encourageons l’ensemble des associations ayant les intérêts des personnes trans à cœur à soutenir ces exigences, et de ne pas rejoindre ce qui s’apparente en l’état à une tentative de division au sein des mouvements de lutte trans. Un conseil d’administration composé de si peu d’associations et de particuliers sans garantie d’indépendance et sans réel poids face aux corps médical ne saurait être représentatif des personnes trans et ne servirait que de caution à la FPATH.
Malheureusement, nous craignons que les déclarations d’intentions, tout comme le changement de nom, ne soient qu’une nouvelle manœuvre destinée à redorer une image ternie par les années de mauvaises pratiques et, qu’au final, rien ne change. Il ne nous restera alors qu’à remplacer sur nos banderoles le nom de SoFECT par celui de FPATH et à regretter que, dans notre pays, des professionnels de santé continuent à s’organiser contre une prise en charge humaine et respectueuse de la transidentité.
Nous appelons de nos vœux la construction d’un véritable réseau de santé en France, respectueux des personnes trans et ouvert à tout·e·s professionnel·le·s de santé ou personne intervenant dans la prise en charge des transidentités.
Nous invitons toutes les associations trans, mais aussi les associations LGBTI+ et féministes, et celles qui, chaque jour, œuvrent à leurs côtés à se joindre à nous et à signer cette lettre ouverte.
LES PREMIÈRES ASSOCIATIONS SIGNATAIRES
• Acceptess-T
• C’est pas mon genre!
• Chrysalide
• Espace Santé Trans
• Fédération Trans et Intersexe
• Ouest Trans
• OUTrans
• Rita
• T-Time
• TRANS INTER action
• FRISSE
• AIDES Lyon
• ENIPSE
• SOS homophobie